Publiées en avril 2019 sous la présidence de Matthieu Poumarède
Le groupe de recherche sur la copropriété (GRECCO)[1], réunissant des praticiens et des universitaires, a pour objectif de développer une réflexion pérenne sur l’application et l’évolution du droit de la copropriété.
Après débats, le GRECCO rédige des propositions destinées à faciliter l’interprétation des textes du droit de la copropriété, à suggérer des pratiques professionnelles et à susciter des modifications législatives et règlementaires.
Ces propositions sont largement diffusées dans les revues juridiques et professionnelles afin qu’elles puissent être connues et discutées.
Propositions sur quelques dispositions du décret n°2019-503 du 23 mai 2019 relatif à la liste minimale des documents dématérialisés concernant la copropriété accessibles sur un espace sécurisé en ligne et du décret n°2019-650 du 27 juin 2019 portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l’accès des huissiers de justice aux parties communes de l’immeuble
Proposition n°1 relative aux modalités de l’accord du copropriétaire pour recevoir les notifications et/ou les mises en demeures par voie électronique.
A la lecture de l’article 64-1 du décret n° 67223 du 17 mars 1967 modifié par le décret n°209-650 du 27 juin 2019 (entré en vigueur le 29 juin 2019) ainsi rédigé :
« L’accord exprès du copropriétaire mentionné à l’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965 précise s’il porte sur les notifications, les mises en demeure ou les deux. Cet accord exprès peut ne porter que sur les modalités particulières de notification mentionnées à l’article 64-5.
Lorsqu’il est formulé lors de l’assemblée générale, cet accord est mentionné sur le procès-verbal d’assemblée générale. Il peut également être adressé à tout moment au syndic par tout moyen conférant date certaine ».
- Constate la difficulté d’interprétation suivante :
L’alinéa 2 de l’article 64-1 qui prévoit que l’accord peut être donné « à tout moment au syndic par tout moyen conférant date certaine » peut donner lieu à des difficultés d’interprétation.
La référence expresse à la « date certaine » peut notamment créer une confusion avec les dispositions de l’article 1377 du Code civil qui prévoit que : « L’acte sous signature privée n’acquiert date certaine à l’égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d’un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique ».
En réalité, l’alinéa 2 de l’article 64-1 vise certainement les moyens conférant une « certitude sur la date », plutôt que la date certaine, et ce afin de faciliter la remise de l’accord du copropriétaire.
Le GRECCO craignant que cette incertitude ne suscite des contentieux en annulation des assemblées générales pour convocation irrégulière,
- Rappelle les principes suivants :
– Il incombe au syndic en cas de litige sur la validité de la convocation ou de la notification du procès-verbal ou d’une mise en demeure, de faire la preuve de la validité de la notification ou de la mise en demeure, donc de l’accord du copropriétaire pour recevoir ces notifications par voie électronique, et de la date à laquelle cet accord a été donné.
– Inversement, il incombera au copropriétaire de rapporter la preuve qu’il a retiré un tel accord.
– Dès lors qu’une adresse électronique figure sur le papier à entête du syndic, celui-ci, en tant que professionnel, ne peut refuser de recevoir une Lettre Recommandée Electronique, qui a la même valeur que la Lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR)
- Suggère au syndic,
– De recueillir prioritairement cet accord au cours de l’assemblée générale puisqu’il est alors mentionné sur le procès-verbal. Toutefois, il est observé qu’en pratique les copropriétaires ne souhaitent pas donner leur accord en assemblée générale pour éviter que leur adresse électronique apparaisse sur le procès-verbal.
– À défaut, de considérer que l’accord doit être adressé par le copropriétaire par lettre recommandée (postale ou électronique) avec demande d’avis de réception qui sera conservée dans les archives du syndicat.
– De s’assurer que les recommandés postaux, mais surtout ceux reçus par voie électronique, et contenant accord ou révocation du consentement, sont archivés et transmis au successeur à la fin du mandat.
– En cas d’accord adressé au syndic par lettre simple ou par courrier électronique même avec « accusé de réception » automatique, de considérer que le copropriétaire n’a pas donné son consentement par un moyen conférant « date certaine », et inviter le copropriétaire à réitérer son accord par LRAR ou LRE.
– De mettre en place un système de recueil du consentement sur l’espace sécurisé de l’extranet de la copropriété, afin de permettre aux copropriétaires de cocher individuellement les modalités choisies pour recevoir les notifications et mises en demeure. Cette possibilité garantirait la date de l’accord ou de son retrait et pourrait être transmise au successeur du syndic, compte tenu des nouvelles exigences de portabilité des données du syndicat des copropriétaires
Propose
La modification de l’alinéa 2 de l’article 64-1 du décret du 17 mars 1967 ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est formulé lors de l’assemblée générale, cet accord est mentionné sur le procès-verbal d’assemblée générale. Il peut également être adressé à tout moment au syndic par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes ».
Proposition n°2 relative au choix offert aux copropriétaires de recevoir les notifications, les mises en demeure ou les deux par voie électronique.
A la lecture de l’article 64-1 modifié par le décret n°209-650 du 27 juin 2019 (entré en vigueur le 29 juin 2019) ainsi rédigé :
« L’accord exprès du copropriétaire mentionné à l’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965 précise s’il porte sur les notifications, les mises en demeure ou les deux »,
et, par application de l’article 19-2 de la Loi 65-557 du 10 juillet 1965 ainsi rédigé :
« A défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision due au titre de l’article 14-1 ou du I de l’article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles »,
l’alinéa 1er de l’article 64-1 offre au copropriétaire la faculté de donner son accord pour recevoir par voie électronique les notifications, les mises en demeure ou les deux.
- Constate les risques actuels inhérents aux communications électroniques.
- Suggère :
– Aux copropriétaires : de ne pas faire le choix de la voie électronique pour les mises en demeure.
Aux syndics :
En cas de recueil du consentement sur l’espace sécurisé de l’Extranet, de différencier clairement les trois options.
Dans le cadre de leur devoir de conseil, d’attirer l’attention du copropriétaire donnant son accord pour recevoir les mises en demeure par voie électronique, sur les conséquences d’un tel accord.
Proposition n° 3 relative aux modalités de participation des copropriétaires aux assemblées générales par visioconférence ou audioconférence.
A la lecture de l’article 17-1 A de loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction issue de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 – art. 193 ainsi rédigé :
« Les copropriétaires peuvent participer à l’assemblée générale par présence physique, par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification »,
et de l’article 13-1 du Décret n°67-227 du 17 mars 1967 inséré par l’article 6 du le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019, définissant les conditions d’identification des copropriétaires usant de moyens de communication électronique pour participer à l’assemblée générale, ainsi rédigé :
« Pour l’application de l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965, l’assemblée générale décide des moyens et supports techniques permettant aux copropriétaires de participer aux assemblées générales par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique ainsi que des garanties permettant de s’assurer de l’identité de chaque participant. La décision est prise sur la base de devis élaborés à cet effet à l’initiative du syndic ou du conseil syndical. Le syndicat des copropriétaires en supporte les coûts.
Pour garantir la participation effective des copropriétaires, ces supports doivent, au moins, transmettre leur voix et permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations ».
- Constate la difficulté d’application suivante :
Le pouvoir de décider des modalités de ces nouvelles possibilités de participation à l’assemblée générale est confié à l’assemblée générale qui doit, en application du texte, recourir à un système garantissant l’identification des copropriétaires qui participeront à l’assemblée générale à distance.
Ce système doit en outre proposer un vote sécurisé à distance comme cela existe dans les assemblées générales des SA, ainsi qu’un émargement électronique de la feuille de présence.
En cas de contestation sur l’identité des copropriétaires participant à distance à l’assemblée générale, il appartiendra au syndic de rapporter la double preuve qu’une assemblée générale préalable a statué sur la tenue d’une assemblée générale par visio ou audio conférence, et que le système utilisé permettait cette identification, sous peine d’annulation de l’assemblée générale.
- Suggère aux syndics :
– De refuser toute participation de copropriétaire par « voie électronique », visioconférence ou audioconférence avant qu’une assemblée générale ait statué sur les moyens et supports techniques offrant les garanties exigées par la loi
– D’exclure l’utilisation de moyens d’audio ou visioconférences non sécurisés (tels « Skype » , « Facetime » ou « WhatsApp » … en l’état actuel de ces applications), ne présentant pas de garanties suffisantes d’identification du copropriétaire.
Proposition n°4 relative à la feuille de présence.
- Compte tenu de
– la suppression, par le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019, de la mention de l’article 14 du décret du 17 mars 1967 relatif à la feuille de présence, lequel précisait : « la feuille de présence constitue une annexe du procès-verbal avec lequel elle est conservée »,
– la nouvelle rédaction de l’article 17 du Décret n°67-227 du 17 mars 1967 relatif au procès-verbal de l’assemblée générale, qui est désormais ainsi rédigé : « la feuille de présence est annexée au procès-verbal ».
- Constate la difficulté d’interprétation suivante :
La question se pose de savoir si cette modification impose dorénavant au syndic de copropriété de notifier la feuille de présence avec le procès-verbal aux copropriétaires opposant ou défaillants en application de l’article 42 alinéa 2 de la loi de 1965.
- Dans la mesure où :
– la feuille de présence est toujours qualifiée d’annexe du procès-verbal ;
– l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 n’a pas été modifié et n’impose que la notification du procès-verbal.
- Considère :
Que le glissement de la mention relative à la feuille de présence annexe du procès-verbal de l’article 14 à l’article 17 du décret du 17 mars 1967 est une mesure de simplification qui clarifie la nature de la feuille de présence et sous-entend qu’elle est conservée avec le procès-verbal et que cette modification n’a pas pour conséquence d’obliger le syndic à notifier la feuille de présence en même temps que le procès-verbal de l’assemblée générale aux copropriétaires opposant ou défaillant.
- Suggère au syndic :
De conserver la feuille de présence en annexe du procès-verbal et de la notifier uniquement à première demande d’un copropriétaire.
Proposition n°5 relative à la liste des documents mis à la disposition de l’ensemble des copropriétaires sur l’espace en ligne.
A la lecture de l’article 1er du décret n°2019-503du 23 mai 2019 concernant la liste des documents mis à la disposition de l’ensemble des copropriétaires sur l’espace en ligne.
Le GRECCO remarque que la liste ne concorde pas sur certains points avec la liste des documents à transmettre au notaire en vue de la rédaction de l’acte de vente.
En effet, le 8° de l’article 1 du décret du 23 mai 2019 vise la mise à disposition des « procès-verbaux des trois dernières assemblées générales et le cas échéant, les devis de travaux approuvés par ces assemblées », alors que l’article L. 721-2 du CCH qui dresse la liste des documents remis à l’acquéreur lors de la vente d’un lot à usage total ou partiel d’habitation vise : « c) Les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, sauf lorsque le copropriétaire vendeur n’a pas été en mesure d’obtenir ces documents auprès du syndic »
Or la mise en ligne de documents dans l’espace sécurisé du syndicat a notamment pour objet de pouvoir faciliter la communication à l’acquéreur des documents à l’occasion de la vente du lot à usage total ou partiel d’habitation.
En outre, il est possible qu’il y ait eu plusieurs assemblées générales au cours d’une même année.
Il apparait pourtant nécessaire de fluidifier les transactions immobilières tout en protégeant les intérêts des acquéreurs.
Propose :
De modifier le 8° de l’article 1 du décret n° 2019-503du 23 mai 2019 en imposant au syndic de mettre à la disposition de l’ensemble des copropriétaires « l’ensemble des procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années ».
Proposition n°6 relative à l’obligation de mise à jour de l’Extranet
A la lecture de l’article 33-1-1 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 dans sa rédaction issue du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 relatif aux conditions d’accessibilité aux documents mis en ligne sur l’espace sécurisé qui prévoit à l’alinéa 2 que : « L’ensemble des documents relatifs à la gestion de l’immeuble et des lots gérés mis à disposition dans cet espace, dont la liste minimale est définie par décret sont, le cas échéant, actualisés au minimum une fois par an par le syndic, dans les trois mois précédant l’assemblée générale annuelle ».
Le GRECCO remarque que l’obligation minimale d’actualisation des documents par le syndic est utile, mais que l’actualisation dans les 3 mois précédant la date d’assemblée générale a pour conséquence de laisser au syndic 9 mois après la tenue de l’assemblée générale annuelle chargée de l’approbation des comptes pour effectuer cette mise à jour.
Or ce délai de 9 mois est trop long pour permettre au copropriétaire d’obtenir, par l’extranet, les documents à fournir à l’acquéreur lors de la promesse de vente
Par ailleurs, ce délai ne correspond pas à la pratique courante de la plupart des syndics professionnels.
- Propose par conséquent :
La modification de l’alinéa 2 de l’article 33-1-1 du décret du 17 mars 1967, afin de réduire le délai de mise à jour obligatoire à 3 mois à compter de la date de la tenue de l’assemblée générale :
« L’ensemble des documents relatifs à la gestion de l’immeuble et des lots gérés mis à disposition dans cet espace, dont la liste minimale est définie par décret sont actualisés au minimum une fois par an par le syndic, dans les trois mois suivant l’assemblée générale ayant approuvé les comptes »
[1] Le groupe de travail est composé de : Matthieu Poumarède, professeur agrégé, directeur de l’IEJUC ; Denis Brachet, géomètre-expert ; Véronique Bacot-Réaume, expert judiciaire ; Patrick Baudoin, avocat ; Christelle Coutant-Lapalus, maître de conférences ; Eliane Frémeaux, notaire honoraire ; Laurence Guégan-Gélinet, avocat ; Florence Bayard-Jammes, enseignant-chercheur ; Jacques Laporte, conseil ; Agnès Lebatteux, avocat ; Stéphane Lelièvre, notaire ; Agnès Medioni, syndic de copropriété, expert ; Bernard Pérouzel, expert ; Olivier Safar, syndic de copropriété.